12 Mai 1915
Courir.
Toujours courir.
Plus vite.
Ne pas regarder en arrière.
Fuir.
Survivre.
Nous sommes en 1915, la Première Guerre Mondiale fait rage. Levy Cohen, jeune juif polonais de 19 ans vient d’échapper au raid qui a eut lieu dans l’appartement sur Szeroka dans lequel il se cachait depuis quelques semaines. Dans ses bras, il serre fortement un paquet comme si sa vie en dépendait. Seulement, ce n’est pas le cas. Sa vie dépend de la chance. Elle dépend aussi des Allemands qui le pourchassent. S’ils sont assez stupides, ils croiront qu’il est toujours là et ils chercheront encore longtemps. Elle dépend de la course qu’il effectue. Se rendra-t-il à l’abris à temps?
La réalité, c’est que ce paquet est un poids. Il le ralentit. Il pourrait lui être fatal. Mais Levy ne peut se résoudre à le laisser. Même si cela lui réserve le même sort que les goï qui l’ont garder. Alors il court, le serrant dans ses bras. Toujours plus fort. Pour le protéger.
Alors qu’il se cache dans la fourrer, s’enfouissant sous la terre boueuse de cette journée pluvieuse, il entend des bruit de pas. La peur lui noue l’estomac. Sa respiration s’accélère. Il se met à prier pour que dans les couvertures qu'il tient, le bébé ne se mette pas à pleurer. Pourtant, ce dernier se contente de le regarder de ses grand yeux bleu clair, comme s'il comprenait le drame qu'il venait de se passer. Comme si malgré ses quelques mois, il connaît son nouveau statut d'orphelin. Il comprenait que le moindre bruit lui réservait le même sort que ses parents.
Alors qu'il passe une main dans son court duvet blond, faisant une pause sur sa joue alors que le petit garçon le regarde en souriant, Levy n'a qu'une certitude. Peut importe les épreuves que la guerre mettrait sur son chemin, il le protégerait. Il allait se battre. Qu'on essaie de lui enlever son identité, sa religion, sa famille passait encore. Mais que l'on s'attaque ainsi à de pauvres bébés, c'était trop. Il allait se battre comme jamais il ne s'était battu dans sa vie. Mais pour l’instant, il veut seulement se reposer.
Fermer les yeux quelques secondes.
Dormir.
Non!
Il doit absolument garder les yeux ouvert.
Les pas se rapprochent toujours. Il s’enfonce encore plus dans la boue, essayant de se soustraire à l’inconnu. Son corps forme une ombre au dessus d’eux. Levy ferme les yeux et amène le bébé un peu plus près de lui. Cette fois, il prit pour que l’ombre menaçante épargne ce gamin qu’il a sauvé après le meurtre des parents de ce derniers. Ce n’est pas son fils, mais déjà, un lien s’est formé entre eux. Ils sont tout ce qu’ils ont.
Lorsqu’il ouvre les yeux, un vieil homme se trouve devant lui, debout. Il a une cinquantaine bien tassé, des cheveux blancs comme la neige et une barbe toute aussi blanche. Levy se tend et le bébé se met à pleurer pour la première fois. Soudain, l’aîné tend la main vers Levy, une lueur bienveillante dans le regard. Le jeune homme hésite, puis il prend la main. L’homme l’aide à se relever.
« Je suis Aaron du Mouvement de Libération Juive. Viens avec moi. »
1 juillet 1920
La Première Guerre Mondiale est terminé depuis quelques temps déjà. Un petit garçon blond aux yeux bleus pénétrant regardant devant lui. Ses yeux sont humides. Son petit pyjama bleu sur lequel de petits moutons flottent sur des cirrus blancs est tout trempé de pluie. D'une main, il tient un petit ours en peluche tout défait. De la mousse blanche s'échappe de ses fesses et il n'a qu'un oeil, l'autre ayant complètement disparu. Dans son autre main, il tient une lettre qu'il est bien incapable de lire. Cette dernière se trempe un peu puisque malgré la réapparition du soleil, le jeune garçon dégoûte toujours. On vient de retrouver son père adoptif. Il ne le verra jamais plus. Il comprend la mort, elle a frapper si souvent. Alors il pleur. Il est vraiment orphelin maintenant. Il n’a plus personne. Autour de lui, le groupe de résistance dont Levy faisait partit s’affère autour. La guerre est terminé. Ils n’ont plus raison d’être. Le jeune garçon ne les voie plus. Ne les entend plus. Il ne voie que la forme indécise de son père adoptif. Ce dernier le regarde, lui sourit tendrement et disparaît. Pendant encore plusieurs années, l’enfant apercevra cette ombre lui sourire. Et doucement, tranquillement, elle allait devenir de plus en plus flou à mesure qu’il oubliera son visage. Mais jamais la lettre d’adieu qu’il tient dans sa petite menotte ne le quittera. Derrière lui, Aaron de son vrai nom Zimri Kaganovitch mit une main sur son épaule. L’un a perdu ses parents, l’autre ses enfants et petits enfants.
Roman,
Si tu reçois cette lettre, c’est que la guerre est terminé mais que je n’ai pas survécu. Ne pleurs pas mon amour. Je suis mort libre. Je suis mort pour une cause juste. Je suis mort pour eux. Je suis mort satisfait d’avoir fait tout mon possible pour un avenir meilleur. Dans l’un de ses livres, William Shakespeare s’exclame ainsi : « Mourir en combattant, c'est la mort détruisant la mort. Mourir en tremblant, c'est payer servilement à la mort le tribut de sa vie. » Je suis mort en soldat. Alors ne pleurs pas mon amour. Garde tes larmes pour tes premières peines d’amour. Garde tes larmes pour tes fils. Garde tes larmes pour des évènements qui en valent la peine.
Sourit. Sourit. La guerre est terminée. Sourit. Ma mort ne sera pas en vain. Vit. Je suis mort, mais tu es en vie. Profite en. La vie est courte. Fait de la tienne une réussite. Vit ta vie. Sois heureux. De nombreux obstacles se mettront au travers de ton chemin. Ne te laisse pas arrêter par eux. Un jour, nous nous reverrons. Que se soit au paradis ou dans une autre vie, nous nous reverrons. Je t’en fais la promesse.
Avec amour,
Ton père, LC